Cette question, c’est celle à laquelle devait répondre la Cour de cassation dans une affaire opposant la direction de PSA au comité d’établissement de la Garenne-Colombes, au syndicat Symnes CFDT et à des délégués du personnel dudit centre. Mot-Tech vous présente l’affaire.

Plantons le décor : le 22 décembre 2009 un accord d’entreprise sur l’exercice du droit syndical est signé.  On peut y lire à l’article 2. 3. 1 que « les salariés mandatés, en particulier du CHSCT, ont libre accès aux zones confidentielles dans le cadre des procédures d’accès applicables aux salariés autorisés » et que « les procédures d’accès aux zones confidentielles et la validation des badges seront effectuées localement avec la direction du secteur concerné ».

En application de cet accord, les représentants du personnel qui souhaitent pénétrer dans des zones de recherche confidentielles doivent se présenter à l’entrée des services, joindre le responsable de zone, lequel, après vérification de leur identité et de leur mandat d’élu du personnel, doit autoriser in fine leur accès au service.
Pour certains représentants du personnel, cet accord porte atteinte à leur liberté de circulation dans l’entreprise. C’est pourquoi ils saisissent le tribunal de grande instance pour que l’employeur délivre sous astreinte à tous les salariés mandatés des badges les habilitant à accéder sans restriction à ces zones confidentielles .

La question posée ici est celle de la liberté de circulation des représentants du personnel. Cette liberté est érigée en principe d’ordre public. Mais est-ce à dire que les représentants du personnel peuvent aller spontanément partout dans l’entreprise, n’importe quand, sans que personne ne le sache a priori ?

Plusieurs articles du Code du travail les autorisent à circuler librement dans l’entreprise notamment pour aller à la rencontre des salariés. Il s’agit des articles L.2143-20 (pour les délégués syndicaux), L.2315-5 (pour les délégués du personnel du CSE) et L.2325-11 (pour les membres du CE et les représentants syndicaux au CE) .
Le différend porte ici sur une procédure d’autorisation préalable à laquelle doivent se soumettre les représentants du personnel qui voudraient pénétrer dans une zone confidentielle située à l’intérieur du centre de recherches et d’études situé à la Garenne-Colombes.

Pour les représentants du personnel, cette procédure est un frein à leur liberté de circuler librement dans l’entreprise. Pourquoi devraient-il s’annoncer avant de pénétrer dans cette zone afin d’y rencontrer les salariés qui y travaillent ? Ils sont aussi leurs représentants et si la loi leur donne du temps pour se consacrer à l’exercice de leur mandat, il n’est pas question que l’employeur ait le moindre indice sur ce qu’ils ont l’intention d’en faire, ni où ils ont l’intention d’aller, ni qui ils sont susceptibles de rencontrer !

Il ne s’agit nullement de restreindre la liberté de circulation des représentants du personnel rétorque la direction. La procédure mise en place et qui consiste simplement à s’annoncer auprès du responsable du site a pour seul but de vérifier l’identité et la qualité de représentant du personnel. Le responsable de site ne dispose d’ailleurs d’aucun droit de regard sur l’opportunité de la demande d’accès.

C’est vrai que la question est épineuse. D’un côté on a des représentants du personnel qui mettent en avant leur souhait de se déplacer librement afin de mener à bien leur mandat et dans le respect des heures de délégation attribuées. Et c’est vrai qu’il est important de pouvoir se déplacer pour rencontrer ces salariés directement à leur poste de travail, pour se rendre compte de leurs conditions de travail, surtout si ces salariés sont un peu « parqués » !
De l’autre, on a une direction qui veut à tout prix et on le conçoit, préserver la confidentialité d’une zone particulière afin de réduire les risques de fuite à la concurrence. La question se pose dans de nombreuses entreprises :

  • les banques privées avec l’accès à la salle des marchés,
  • les entreprises qui manipulent des données sensibles,
  • ou celles encore qui font travailler les salariés au contact de produits dangereux ou dans des conditions aseptisées.

Dans cette affaire, la Cour de cassation donne raison à la direction. Pour les juges, la procédure prévue est “justifiée au regard du caractère hautement confidentiel de ces zones”. Elle ne méconnaît “ni les exigences découlant de la liberté de circulation reconnue aux représentants du personnel à l’intérieur de l’entreprise, ni celles résultant de l’accord d’entreprise”.

Cassation sociale, 9 juillet 2014, n°13-16.151

Si cette affaire concernait un CE, à l’époque, cette donnée et la décision de la Cour de cassation peuvent faire jurisprudence dans le cadre d’un CSE aujourd’hui pour des faits similaires.

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